Elections régionales
Carole Delga.
Pour Carole Delga, le centre du monde, c'est Martres-Tolosane. Haute-Garonne. Il faut dire que cette «circulade», une ville construite en cercle, vous donne ce sentiment d'une matrice fleurie, où l'on aurait toujours envie de revenir.
Ce village, elle y a grandi. Elle est les deux pieds dans cette terre, dont à Martres, on fait de la faïence ou du maïs. Les mauvaises langues, savantes observatrices de la vie politique, ont aussitôt souri de son accent toulousain. Elle, elle le revendique. C'est sa façon de dire son bonheur d'être née ici, juste sous les épaules des Pyrénées, à deux pas de la Garonne.
De la faïence à la porcelaine
La petite fille est allée à l'école du village. Élève appliquée, studieuse, un peu timide. En tout cas, c'est une bosseuse. Elle le restera. Bac scientifique, décroche une mention. S'inscrit en fac. Elle travaille l'été à l'Office de tourisme pour se payer des études. Elle passe ses diplômes à Toulouse, puis un master en droit des collectivités territoriales à l'Université de Pau. Elle réussit en 1994 le concours d'attaché territorial. École, République, laïcité, voilà le credo de Carole. On comprend pourquoi. «C'est un pur produit de la méritocratie républicaine, explique son amie Dominique. C'est très charnel, c'est totalement sincère. Elle est comme ça !»
Premier poste loin de son Comminges : elle travaille entre 1994 et 1996 au service des monuments historiques de la ville de Limoges. Elle passe ainsi de la faïence à la porcelaine.
Mais décidément, les Pyrénées, la Garonne, et Martres lui manquent : elle retrouve un poste comme directrice générale des services du Syndicat des eaux de la Barousse, du Comminges et de la Save, où elle restera jusqu'en 2005.
Ensuite, elle rentre au Conseil régional de Midi-Pyrénées, comme directrice de l'aménagement du territoire. Et là, c'est le virus de la politique qui va venir la piquer. «En fait, les gens du village sont venus la voir, avant les municipales. Le maire de Martres ne se représentait pas. Ils trouvaient que cette jeune femme ferait peut-être un bon maire», ajoute Dominique.
Disponible, et surtout, infatigable travailleuse…
Le président du Conseil régional, Martin Malvy, la repère vite. Elle va devenir sa vice-présidente. Que lui confie-t-on ? La ruralité, pardi ! La ruralité en liaison avec les nouvelles technologies de l'information. Un fois encore, auprès de Malvy, elle sera la bonne élève. Sherpa discipliné et curieux, elle avale les dossiers à la pelle. La bonne élève sait aussi devenir une apparatchik efficace.
«Elle apprend vite, elle comprend tout, raconte-t-on. Ainsi, quand il a fallu désigner un candidat du PS pour succéder au député Idiart, elle a grillé tout le monde ! Et pourtant, il y avait de vieux briscards socialistes qui étaient sur les rangs ! Mais les militants l'ont choisie, à cause de son style, direct, franc. C'est vrai qu'elle n'a pas un grand charisme, mais elle connaît la mécanique politique et sait en jouer…»
Élue au premier tour, Carole Delga va tout de suite s'affronter…. au gouvernement ! Elle se bat bec et ongles pour sauver le commissariat et le tribunal de Saint-Gaudens. Elle va tellement prendre la tête de Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, qu'il va, un peu plus tard, la recruter dans son équipe, comme secrétaire d'Etat au Commerce et à l'Artisanat. «Quand elle prend un dossier, elle ne lâche jamais l'affaire ! Elle va jusqu'au bout», confie cet élu.
«Elle peut vous envoyer un texto à 6 heures ou à minuit, s'il y a urgence. Elle est exigeante, mais elle reste toujours à l'écoute», assure Gilbert Tarraube, l'actuel maire de Martres, qui lui a succédé.
Depuis l'été, Carole Delga a lâché le ministère pour lancer sa campagne des régionales. Sans trop de regret car Bercy n'était pas sa tasse de thé. Elle a préféré, comme elle l'aime, labourer le terrain de son accent. Elle tutoie vite, claque des bises, elle ne «s'y croit pas», comme on dit dans le Sud.
Beaucoup pensaient que cette campagne régionale était un trop gros morceau. Qu'elle s'y casserait les dents. Ses concurrents affirmaient qu'elle récitait des leçons. Comme on dit méchamment, «elle paraît gentille». Ils apprendront qu'elle est aussi une candidate coriace.
«Moi, je lui fais une confiance totale, assure Joël Aviragnet. C'est un esprit sain. Elle respecte les autres. Elle est à l'écoute des gens. Et puis, elle a le souci d'une pratique de la vie politique renouvelée. C'est ça qui séduit les gens». «Elle les aime, sans artifice. C'est une helléniste qui s'intéresse au patrimoine, à l'histoire, à la culture, à l'artisanat… Elle sait apprécier le geste d'un boulanger, d'un potier. Elle a beaucoup fait pour l'artisanat d'art, quand elle était secrétaire d'État…»
Vélo, marche, confitures et champignons
Son bonheur ? Faire le tour de Martres sur son vélo, histoire de dire bonjour aux gens, prendre son sac à dos et partir avec son compagnon, marcher sur les chemins du Comminges, ramasser des fruits ou des champignons, et mitonner de délicieuses confitures dont sa grand-mère lui a livré le secret.
Voilà qui va devenir un luxe rare pour celle qui est devenue dimanche, la plus jeune présidente de région de France. Son histoire est un joli clin d'œil à la République.